< Virginie Séba
Mame Pinarde et Père Blettard
C’est l’histoire de Mame Pinarde et Père Blettard
Un vieux couple marié un matin
Pour une couette un jardin
Partageant binette et gritaille
Bonne soupe et ripaille.
Depuis bah maintenant 20 ans
Mame Pinarde et Père Blettard
Troupicotent et ravigotent
Dépipotent et bergamotent.
Sur leur parcelle, ils sèment à tous vents.
Nom d’une pelle ! Qu’est-ce qu’ils sèment ces deux-là !
A peine qu’ils lâchent leurs granouilles que ça germe de fou !
Depuis tout ce temps, leur parcelle elle a ben grossi
En fait on sait pas trop ce qu’ils sèment ces deux là
Leur parcelle, elle est pas de celle ratissée au corbeau
Avec pas un brin qui dépasse
Non chez elle c’est broussaille et rimailles
Biseau et râteau, creviche et bibiche
La nature en liesse, le culte sans laisse
en pagaille :
des gueules de chat, des dents de guêpe,
des soleils grappes, des feuilles de chiennes,
des bergers mottes, des tournes chèvres,
des chèvres fous, des misères douces
des roses fermières des pasdesoucis
des pissopieux, des m’oubliepas
des mangeriens, des grapilletouts.
Des jamaislà des viensparlà !
Bouche béante, le promeneur en perd sa langue.
Dans cet amas, sûr qu’il reconnait deux ou trois pousses, une laitue prospère, des rutabagas pensifs, du basilic poivré, des petits et grands soucis. Ah bah quand même qu’il s’dit, y a des trucs trucs qu’on peut manger !
Aujourd’hui Père Blettard a repéré un joli p’tit bout de terre, entre le vieux poirier et le cuquelier, le long du ruisselet.
Ah ben dis donc, je planterais bien des espinaches pour Mame Pinarde, elle qui les adore tant. Voilà donc notre Père Blettard la bioche en main ; et va s’y que je te remue le derrière, va s’y que je te remue la terre. Le cul en l’air, la truffe à raz, Père Blettard enfourne granouilles dans meuble terre. Va s-y que je te leur parle, va s-y que je te les arrose, va s-y que je te les embobine, va s-y que je te les vénère.
Ah qu’il est fier Père Blettard !
Je veux le meilleur pour Mame Pinarde, qu’il répipite en rond, je veux le meilleur pour Mame Pinarde, tandis que les gouttes lui filent sous le nez.
Oh Mame Pinarde, si elle savait, comme elle est gâtée, vénérée, pourchoyée, pourléchée !
Mais justement elle sait pas Mame Pinarde ! C’est qu’il lui a rien dit Père Blettard avec sa langue toujours fourrée dans la poche.
Mame Pinarde, elle de son côté, se dit que ça serait bien de lui faire une surprise. Elle a justement repéré un joli p’tit bout de terre entre le vieux poirier et le cuquelier, le long du ruisselet.
Et si elle lui plantait de bonnes darbes comme il les aime ! De bonnes grosses darbes à cottes blanches capuchonnées de vert.
A la Une à la Deux, ni vu ni connu, elle s’achemine vers ce beau bout d’terre, plante sa bioche et remue ciel et terre. Sourire tranchée, Mame Pinarde projecte ses granouilles et les regarde s’enfoncer doucement, mollement aspirée par la juteuse terre.
C’est qu’il va être content Père Blettard ; il s’attend pas à dépareillante surprise !
Ah bah c’est sûr, il s’y attend pas du tout !
Le lendemain matin, à félure de jour, Père blettard prend son tuyau et va s-y que j’t’arrose qu’j’t’arrose ! Ca jute, ça dégouline, la terre elle est trop heureuse, il fait tellement chalourd.
A nuit zébrée, c’est au tour de Mame Pinarde. Discrètement minois rôti, elle retire les mauvaises herbes et claque un jet pluvieux ! C’est qu’elle est fiérotte la famelotte.
Chaque matin Père Blettard enlève les mauvaises herbes et arrose arrose arrose …
Chaque soir Mame Pinarde enlève les mauvaises herbes et arrose arrose arrose …
Les jours passent …………. mais rien ne se passe.
Père Blettard commence à être inquiet. Pas un p’tit pouceau de vert à l’horizon.
Mame Pinarde commence à être inquiète. Pas un p’tit pouceau de vert à l’horizon.
Les jours passent ………….. mais rien ne se passe.
Et pis un beau jour voilà Père Blettard qui tombe nez à nez avec Mame Pinarde qui fait une drôle de tête. Mame Pinarde sur sa parcelle !
Ils se regardent se déregardent, se retournent, se déretournent,
S’entourlourpent, se contrepoupent. 3 pas en avant 5 pas en arrière.
La tronche en biais, les lèvres cisailles.
Les doigts tricotent les yeux toctoquent
Le ton se monte le ton se hausse
Des plocs des plecs
Des stecks des stocks
Des pocques des piques
Et tout ce qui glique
Les deux s’agitent
A rond de train se coursent de fond
l’haleine motrice
Ils tournent en rond
la guerre s’encoche la guerre s’accroche
Nos deux compères, le cœur canon, mitraillent leurs âmes
les yeux pincés les lèvres fermées
De tous leurs pores exudent l’angoisse
Se comprennent pas sont dans la poisse
Pour une parcelle
Mille étincelles !
Le ciel en pleurs lâche des éclairs
tombent les nuages tornade solaire
Les deux trempés se jettent à terre
Implore lumière les fesses à l’air
Se touchent les mains
Ruissellent de mots
Ouvrent les yeux ouvrent la bouche
Les mots s’agitent les mots s’bousculent
L’histoire s’écrit l’histoire se parle
Les langues s’délient les cœurs se racontent
Je voulais t’offrir, je voulais t’offrir
Tu m’as pas dit Tu m’as pas dit
On s’est trop tu on s’est trop tu
A toi de m’dire à moi de t’dire
Les rimes s’embrassent les mots se lèchent
Les yeux s’pourlèchent les langues s’embrasent
En feu Les mots s’écoutent
Au pied de la lettre les mots s’appliquent
Cratère promesse d’une langue en liesse
Nos deux compères la réapprennent !
En route, en rut se balluchottent
Compostent leur joie
Badinent leur moi
On s’est trop tu on s’est trop tu
Pour une parcelle que d’étincelles !
Les mots s’écoulent et tissent leur miel !
La petite souris qui cherchait un mari
C’est l’histoire d’une souris
En habit vert de gris
Qui habite loin d’ici
Dans une ferme sans soucis.
Un jour dans l’escalier
Trouve une pièce de monnaie
Hum hum se dit-elle
Que vais-je bien pouvoir m’acheter ?
Je sais j’ai envie d’un mari !
Vite vite va au marché et s’achète
Mais non pas un mari
Un ruban rouge pour se faire jolie !
Vite vite la souris s’habille et se maquille
Avec le ruban rouge rubis
fait un joli nœud
Au bout de sa queue.
La voila toute prête et toute belle
Devant chez elle !
Quand les animaux la voient
Parée de son nouvel habit
Ils sont tout ébaubis !
Coq cheval cochon bouc âne
Pas un qui ne se pâme !
Le coq s’approche le premier
Et lui demande d’être son mari
– Ok dit la petite souris, mais d’abord
Chante pour moi que j’entende ta voix !
Le coq chante et aie aie aie
La petite souris se bouche les oreilles !
Vexé il repart sans demoiselle.
Puis vient le tour du canard
Qui d’un coup d’aile
Vole jusqu’à elle
Le canard cancane
C’est un tintamarre
La toute belle ricane
Il retourne dans sa mare.
Vient le tour du cochon
Qui, sortant de son bain
Lui tend son groin.
Le cochon grogne
C’est une erreur
La belle a peur
Et l’envoie paître ailleurs !
Puis c’est au tour
Du grand cheval bai
De venir se présenter.
Fièrement planté
Sur ses sabots bien limés
Il ouvre sa gueule en grand
Et lâche un hennissement
Si laid et si bruyant
Que la petite souris
D’un regard foudroyant
l’expédie au firmament
D’autres animaux se présentent
Et poussent la chansonnette
Le chien le bouc l’âne et même la belette
Mais la petite souris les renvoie tous aussi sec
A la fin de la journée
Le soleil allait se coucher
Quand le chat se réveille
Il s’étire, lisse ses grandes moustaches
Et d’un bond souple et silencieux
se retrouve tout près de la belle
Qui, nullement impressionnée
Lui demande de chanter.
Ce que lui susurre le beau matou
N’est pas dit dans la chanson
Mais ce qui est sûr c’est que la souris se frotte à lui
Et lui déclare : je te prends pour mari !
Le chat l’emmène chez lui
Lui fait des caresses et plein de bisous
Sur son ventre et ses deux joues !
La petite souris est si jolie
avec son noeud rouge rubis
si douce avec sa peau de velours
Si exquise avec son ventre rebondi
Que le matou ne résiste pas
Et d’un coup de dent
Bien saignant
La croque sur le champ !
C’est depuis ce jour là
Depuis cette histoire
Que les chats mangent les souris !
Monsieur Gumlé
C’est l’histoire de monsieur Gumlé.
Connaissez-vous Monsieur Gumlé ? Non ?
Pourtant je suis sûre que vous l’avez déjà croisé !
Monsieur Gumlé est une bonne pâte.
Grande asperge à la peau de pêche
Les yeux en amande couleur noisette,
Le crâne lisse comme un œuf
La ligne haricot vert
Il vous met l’eau à la bouche
Parfois même … vous rêvez de le croquer !
Que dire de son cœur d’artichaud
Il vous fait fondre fondre fondre !
Mais de grâce ne vous approchez pas trop près
vous risqueriez de le faire rougir rougir
comme …comme … comme une tomate !
Monsieur Gumlé est une crème
Il n’est pas du genre à casser du sucre
Ni à couper la poire en deux
Il est vraiment trop choux !
De bon matin frais comme un gardon
Après avoir dormi comme un loir
Frictionné sous les aisselles de citronnelle
Joyeux comme un pinson
Monsieur Gumlé entonne sa ritournelle,
Une histoire de pucelle
Et de manivelle, démentielle !!
Pour aller travailler monsieur Gumlé
Enfourche sa bicyclette
Et dévore les kilomètres
Monsieur Gumlé n’est pas une guimauve
Il a de sacrés biscotos
La fesse dure et le mollet à point.
Monsieur Gumlé gagne honnêtement son pain
Ce n’est pas une huile et ne fait pas partie du gratin
Mais qu’importe ! il sait séparer le bon grain de l’ivraie !
N’essayez pas de lui graisser la patte
Ni de le retourner comme un crêpe !
C’est juste bon à vous en mordre les doigts !
Les amis de monsieur Gumlé
Ne comptent pas pour du beurre
Ni pour des prunes d’ailleurs
Il donne à chacun sans compter
Avec lui pas d’embrouille ni de salade !
Le point faible de Monsieur Gumlé, vous avez une idée ?
Non ? Oui ? vous chauffez …
Pour un oui pour un non
Monsieur Gumlé se met la rate au court bouillon
Pense qu’il a oublié quelque chose sur le feu
Alors vite rebrousse chemin pour vérifier si tout est bien éteint !
Quelle tête de linotte diraient certains !
Monsieur Gumlé est attentif à son alimentation
Il ne mange pas de produits industriels
Et fait la part belle aux produits naturels.
Appétit de moineau ou faim de loup
Tous les jours il mange des légumes
– Attention c’est pas du flanc ce que je vous raconte
Un jour quelqu’un sonne à sa porte :
Bonjour monsieur voici votre commande
Quelle commande ?
Vos 50 pizzas !
Mais s’exclame, baba, monsieur Gumlé, je n’ai jamais commandé …
Vous êtes bien monsieur Gumlé qui habite au quatrième
tout en hauteur à côté de l’ascenseur ?
Oui c’est bien moi
Et bien monsieur ça fera 500 euros !
Mais mais … s’étrangle monsieur Gumlé blanc comme un linge
Bon bon ça suffit ! s’impatiente le livreur, ces pizzas, c’est pas pour ma pomme, faut allonger l’oseille !
Pauvre pauvre monsieur Gumlé, il a l’air d’une endive avec son teint livide mais à l’intérieur il bout et rebout !
C’est sûr quelqu’un se moque de lui ! il est marron, chocolat ! Dans les choux !
Affolé il dévale les escaliers et court chercher de l’aide
Son teint a viré rouge piment : c’est sûr quelqu’un se fait passer pour lui
Mais il n’est pas dit qu’il serait le dindon de la farce
Hagard, les jambes flageolantes,
il déboule dans la rue, prêt à exploser,
A ses trousses le livreur qui hurle :
Hé hé ramène ta fraise, aboule l’oseille
Les pizzas c’est pas pour ma pomme !
Dans sa course, monsieur Gumlé avise deux poulets en faction
Devisant tout miel :
Au secours au secours, leur crie-t-il, venez m’aider !
Je me suis fait rouler dans la farine !
Quelqu’un se fait passer pour moi !
Hum hum que se passe-t-il ?
Les yeux exorbités, monsieur Gumlé qui en a gros sur la patate,
Murmure dans un souffle :
Suis dans le pétrin ! On se fout de ma poire ! aidez-moi !
Puis s’écroule terrassé au pied des policiers, la tête enfarinée.
Pauvre pauvre monsieur Gumlé !! La note est salée ! A quelle sauce va-t-il se faire manger ?
Cui cui cui cui cui cui cui
Chante l’alarme de son réveil
Cui cui cui cui cui cui cui
C’est l’heure, il est sept heures
Monsieur Gumlé ouvre les yeux
Il a les jambes en coton
Comme s’il avait couru le marathon
Le crâne en compote
Comme s’il avait heurté 36000 portes
Pauvre pauvre monsieur Gumlé
Il est cuit cuit archi cuit
Ce matin c’est sûr il n’aura pas la frite !
Mais au moins il s’est pas fait carotte !
Purée ! Quelle histoire !