POÈTESSE PERFORMEUSE
Mame Pinarde et Père Blettard
C’est l’histoire de Mame Pinarde et Père Blettard

Un vieux couple marié un matin

Pour une couette un jardin

Partageant binette et gritaille

Bonne soupe et ripaille.

Depuis bah maintenant 20 ans

Mame Pinarde et Père Blettard 

Troupicotent et ravigotent

Dépipotent et bergamotent.

Sur leur parcelle, ils sèment à tous vents.

Nom d’une pelle ! Qu’est-ce qu’ils sèment ces deux-là !

A peine qu’ils lâchent leurs granouilles que ça germe de fou !

Depuis tout ce temps, leur parcelle elle a ben grossi

En fait on sait pas trop ce qu’ils sèment ces deux là

Leur parcelle, elle est pas de celle ratissée au corbeau

Avec pas un brin qui dépasse
Non chez elle c’est broussaille et rimailles

Biseau et râteau, creviche et bibiche

La nature en liesse, le culte sans laisse

en pagaille :

des gueules de chat, des dents de guêpe,

des soleils grappes, des feuilles de chiennes,

des bergers mottes, des tournes chèvres,

des chèvres fous, des misères douces

des roses fermières des pasdesoucis

des pissopieux, des m’oubliepas

des mangeriens, des grapilletouts.

Des jamaislà des viensparlà !

Bouche béante, le promeneur en perd sa langue. 

Dans cet amas, sûr qu’il reconnait deux ou trois pousses, une laitue prospère, des rutabagas pensifs, du basilic poivré, des petits et grands soucis. Ah bah quand même qu’il s’dit, y a des trucs trucs qu’on peut manger !

Aujourd’hui Père Blettard a repéré un joli p’tit bout de terre, entre le vieux poirier et le cuquelier, le long du ruisselet. 

Ah ben dis donc, je planterais bien des espinaches pour Mame Pinarde, elle qui les adore tant. Voilà donc notre Père Blettard la bioche en main ; et va s’y que je te remue le derrière, va s’y que je te remue la terre. Le cul en l’air, la truffe à raz, Père Blettard enfourne granouilles dans meuble terre. Va s-y que je te leur parle, va s-y que je te les arrose, va s-y que je te les embobine, va s-y que je te les vénère. 

Ah qu’il est fier Père Blettard ! 

Je veux le meilleur pour Mame Pinarde, qu’il répipite en rond, je veux le meilleur pour Mame Pinarde, tandis que les gouttes lui filent sous le nez.

Oh Mame Pinarde, si elle savait, comme elle est gâtée, vénérée, pourchoyée, pourléchée !

Mais justement elle sait pas Mame Pinarde ! C’est qu’il lui a rien dit Père Blettard avec sa langue toujours fourrée dans la poche.

Mame Pinarde, elle de son côté, se dit que ça serait bien de lui faire une surprise. Elle a justement repéré un joli p’tit bout de terre entre le vieux poirier et le cuquelier, le long du ruisselet. 

Et si elle lui plantait de bonnes darbes comme il les aime ! De bonnes grosses darbes à cottes blanches capuchonnées de vert.

A la Une à la Deux, ni vu ni connu, elle s’achemine vers ce beau bout d’terre, plante sa bioche et remue ciel et terre. Sourire tranchée, Mame Pinarde projecte ses granouilles et les regarde s’enfoncer doucement, mollement aspirée par la juteuse terre.

C’est qu’il va être content Père Blettard ; il s’attend pas à dépareillante surprise !

Ah bah c’est sûr, il s’y attend pas du tout ! 

Le lendemain matin, à félure de jour, Père blettard prend son tuyau et va s-y que j’t’arrose qu’j’t’arrose ! Ca jute, ça dégouline, la terre elle est trop heureuse, il fait tellement chalourd. 

A nuit zébrée, c’est au tour de Mame Pinarde. Discrètement minois rôti, elle retire les mauvaises herbes et claque un jet pluvieux ! C’est qu’elle est fiérotte la famelotte.

Chaque matin Père Blettard enlève les mauvaises herbes et arrose arrose arrose …

Chaque soir Mame Pinarde enlève les mauvaises herbes et arrose arrose arrose …

Les jours passent …………. mais rien ne se passe.

Père Blettard commence à être inquiet. Pas un p’tit pouceau de vert à l’horizon.

Mame Pinarde commence à être inquiète. Pas un p’tit pouceau de vert à l’horizon.
Les jours passent ………….. mais rien ne se passe.
Et pis un beau jour voilà Père Blettard qui tombe nez à nez avec Mame Pinarde qui fait une drôle de tête. Mame Pinarde sur sa parcelle !
Ils se regardent se déregardent, se retournent, se déretournent, 
S’entourlourpent, se contrepoupent. 3 pas en avant 5 pas en arrière.
La tronche en biais, les lèvres cisailles.
Les doigts tricotent les yeux toctoquent
Le ton se monte le ton se hausse
Des plocs des plecs
Des stecks des stocks
Des pocques des piques
Et tout ce qui glique
Les deux s’agitent 
A rond de train se coursent de fond
l’haleine motrice 
Ils tournent en rond
la guerre s’encoche la guerre s’accroche
Nos deux compères, le cœur canon, mitraillent leurs âmes 
les yeux pincés les lèvres fermées
De tous leurs pores exudent l’angoisse
Se comprennent pas sont dans la poisse
Pour une parcelle
Mille étincelles !
Le ciel en pleurs lâche des éclairs 
tombent les nuages tornade solaire
Les deux trempés se jettent à terre
Implore lumière les fesses à l’air
Se touchent les mains
Ruissellent de mots
Ouvrent les yeux ouvrent la bouche
Les mots s’agitent les mots s’bousculent
L’histoire s’écrit l’histoire se parle
Les langues s’délient les cœurs se racontent
Je voulais t’offrir, je voulais t’offrir
Tu m’as pas dit Tu m’as pas dit 
On s’est trop tu on s’est trop tu
A toi de m’dire à moi de t’dire
Les rimes s’embrassent les mots se lèchent
Les yeux s’pourlèchent les langues s’embrasent
En feu Les mots s’écoutent 
Au pied de la lettre les mots s’appliquent
Cratère promesse d’une langue en liesse
Nos deux compères la réapprennent !
En route, en rut se balluchottent
Compostent leur joie
Badinent leur moi
On  s’est trop tu on s’est trop tu
Pour une parcelle que d’étincelles !
Les mots s’écoulent et tissent leur miel !